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LE RÉTABLISSEMENT: un voyage plutôt qu'une destination.

Dernière mise à jour : 4 juin 2021


"Lorsqu'un homme élevé entend la Voie - il l'embrasse avec zèle. Lorsqu'un homme médiocre entend la Voie - Il l'écoute et l'oublie. Lorsqu'un homme grossier entend la Voie - il éclate de rire. La Voie, s'il ne riait pas, ne serait plus la Voie. Lao Tseu

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Tout toxicomane qui a entamé une démarche plus ou moins sérieuse pour se sortir de sa dépendance entendra parler, un jour ou l’autre, de « rétablissement ». Le dictionnaire Larousse définit le rétablissement comme suit :

« Action de rétablir dans son état premier ou normal ; Fait, pour quelqu’un de revenir à un bon état de santé ; Effort pour retrouver son équilibre. »

Si nous regroupons ces trois idées, nous obtenons :

« Action de rétablir dans son état premier ou normal afin de revenir à un bon état de santé en faisant l’effort de retrouver son équilibre. »


Comme nous l’avons vu (voir) la toxicomanie se caractérise par la tendance compulsive à exagérer dans pratiquement tous les domaines de sa vie. Cette tendance se maintiendra tant et aussi longtemps que les conséquences ne seront pas suffisamment douloureuses pour provoquer l’engagement dans un processus de changement. D’ailleurs, dans « Douze étapes et douze traditions » nous pouvons lire :


« Pourquoi tant insister sur la nécessité pour chaque dépendant de toucher le bas-fond ? Parce que sinon, bien peu de gens entreprendront sincèrement de mettre en pratique le programme. La pratique des Étapes oblige à des attitudes et des gestes que ne sauraient imaginer la plupart des toxicomanes qui consomment encore. » Douze étapes et douze traditions – La première étape.


C’est ainsi que nous en venons à comprendre que le rétablissement est plus un voyage qu’une destination. Pour le toxicomane - souvent en quête d’un « easy way out » - il faudra que les conséquences deviennent assez sérieuses pour qu’il envisage de se mettre en route.

Heureusement, aujourd’hui, le bas-fond n’a plus nécessairement à être aussi profond qu’auparavant. Des décennies d’expérience en traitement des toxicomanies nous permettent aujourd’hui une meilleure compréhension du processus de rétablissement et donc plus de moyens pour aider un toxicomane à comprendre et accepter ce avec quoi il est aux prises et les moyens à prendre pour s’en sortir.


Dans la mesure où nous comprenons que la toxicomanie est une maladie chronique, progressive et fatale nous comprenons que le rétablissement n’est pas une guérison, mais plutôt une rémission d’une condition latente qui peut ressurgir à tout moment - si le toxicomane ne s’est pas engagé dans un processus de rétablissement sur une base quotidienne. Tout comme le diabétique doit apprendre à vivre autrement pour que son diabète soit en rémission, il doit aussi être conscient que sa condition demeure tout de même chronique. Il en est de même pour le toxicomane.


Dans la plupart des cas, le premier pas dans le rétablissement sera une bonne cure de désintoxication. Que ce soit l’alcool ou n’importe quel autre psychotrope, (ex : cannabis, amphétamines, cocaïne) une désintoxication et un sevrage sont nécessaires. Ce premier pas dans le rétablissement est souvent pénible et peu de toxicomanes arrivent à le faire par eux-mêmes. Un accompagnement médical compétent est souvent nécessaire et prendra de une à trois semaines, selon les cas. À ce stade, plusieurs toxicomanes se croient tirés d’affaire et l’expérience d’une abstinence achevée à court terme créera l’illusion que l’orage est passé et le problème réglé. Si, suite à cette désintoxication, le toxicomane ne s’engage pas dans des activités de rétablissement, la rechute est prévisible à court, moyen ou long terme.

Souvent cet engagement se fera du bout des lèvres au début du rétablissement. Le toxicomane doute encore de la nature « pathologique » de sa condition et croira à tort que sa volonté et la confiance en lui nouvellement retrouvées seront suffisantes pour le tirer d’affaire. Plus commun encore, le toxicomane doutera de son incapacité à consommer normalement. C’est d’ailleurs là la grande obsession de tout toxicomane : un jour ou l’autre, il ne sait trop comment, il parviendra à consommer normalement et à y prendre plaisir, comme la plupart des gens qu’il fréquente, se dit-il. Cette illusion peut persister chez le toxicomane jusqu’aux portes de la folie ou de la mort avec souvent, la prison entre les deux.

Après quelques bonnes rechutes, et malheureusement parfois, après plusieurs, le toxicomane commence à se rendre compte de son illusion au sujet de sa condition. Il commence à distinguer dans un flou inquiétant, que la maitrise de sa vie lui échappe de plus en plus. C’est à ce stade que nous pouvons entendre plusieurs toxicomanes s’exclamer : « Si tu avais tous les problèmes que j’ai, toi aussi tu consommerais comme je consomme. » Le toxicomane n’a toujours pas pris conscience qu’il a tous ces problèmes justement parce qu’il consomme comme il consomme. Il n’a toujours pas compris qu’il gère sa vie et ses problèmes comme un toxicomane plutôt que d’y faire face. Mais cette souffrance pourra devenir son salut - qui éventuellement le poussera à demander de l’aide et à envisager, sérieusement cette fois, de s’engager à fond dans son programme de rétablissement.

Un toxicomane qui cesse de consommer n’aura toutefois réglé que 15% de son problème de toxicomanie. Ce chiffre est évidemment approximatif, mais il exprime le fait que la consommation n’est que la pointe de l’iceberg. Engagé dans son processus de rétablissement, le toxicomane prendra peu à peu conscience de ses lacunes personnelles au niveau de son caractère et de sa personnalité.

"Égoïsme et égocentrisme, c’est là, croyons-nous, la source de nos problèmes. Animés par une centaine de sortes de peurs, déçus de nous-mêmes, ne recherchant que nos intérêts et nous apitoyant sur notre sort, nous marchons sur les pieds de nos semblables et ils réagissent. Ils nous blessent parfois, apparemment sans avoir été provoqués, mais invariablement, nous découvrons que dans le passé, nous avons pris une décision égoïste qui nous a exposés à être blessés plus tard.


Nous sommes donc les principaux artisans de nos malheurs. Ils viennent de nous, et le toxicomane fournit l’exemple parfait de la volonté personnelle déchaînée, même si, la plupart du temps, il ne s’en rend pas compte. Avant toute chose, nous les toxicomanes, devons nous corriger de notre égoïsme, sinon il nous tuera." Alcooliques Anonymes – Notre méthode.


Ainsi, le rétablissement devient un processus, un voyage à long terme. Un engagement à prendre en main, consciemment et volontairement sa croissance personnelle, humaine et spirituelle - que la toxicomanie avait compromise. Et, comme la condition est chronique à la base, le rétablissement devient le projet d’une vie, une voyage, plutôt qu’une destination.


« Nous en étions au point où la vie devenait impossible à vivre et si nous étions parvenus au stade où tout aide humaine est inutile, il ne nous restait que deux solutions : continuer jusqu’au bout en faisant taire, du mieux que nous aurions pu, la conscience que nous avions de notre intolérable situation ou accepter une aide spirituelle. Nous avons choisi la deuxième solution parce que nous désirions sincèrement nous rétablir et que nous étions prêts à fournir les efforts nécessaires. » Alcooliques Anonymes - Il y a une solution.


Pierre Eugène Rioux, psychosociologue


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