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Vivre en paix

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J'ai reçu un diagnostic de dysthymie il y a de cela plusieurs années. La dysthymie est un état dépressif mineur, mais chronique. Être dysthymique veut dire qu'aucune période de deux mois consécutive ne s'écoule sans sombrer dans une forme ou l'autre de dépression. Avec mon profil de toxicomane, ces états dépressifs peuvent parfois aller jusqu'au désir sincère de mourir. J'étais un excellent candidat pour une prescription d'antidépresseurs.


Dans ma démarche de rétablissement, j'ai eu la chance de rencontrer un vieux médecin qui m'a conseillé de m'intéresser à la méthode de Roger Vittoz. Roger Vittoz (1883-1925) est un médecin suisse contemporain de Freud. Pendant que Freud s'Intéressait à l'inconscient, Vittoz s'intéressait au conscient, et plus particulièrement à la psychonévrose, mieux connue sous le vocable d'ivresse mentale chez les alcooliques. J'ai d'ailleurs publié un blog à ce sujet il y a quelques temps (Voir). Grâce à ce bon médecin, j'ai échappé à l'usage des antidépresseurs.


J'ai depuis longtemps une aversion profonde pour les psychotropes dans leur ensemble. Ma mère a été traitée pendant des années avec ces médications et est devenue pharmaco dépendante, un mal qui frappe de plus en plus de gens à notre époque. J'admets que dans certains cas extrêmes, un antidépresseur pris sous surveillance médicale et pour une période déterminée, peut être aidante. Mais voilà, il faut considérer les avantages autant que les désavantages, notamment le sevrage qui accompagnera cet usage.


Sébastien aura vécu 5 sevrages avant de se défaire de ses antidépresseurs.
Sébastien Fraser a vécu 5 sevrages pour s'en sortir.

Pendant des années les compagnies pharmaceutiques ont été silencieuses sur le sevrage associé à ce type de médication. Ce n'est que depuis quelques années que nous en entendons parler timidement ici et là. Heureusement, un témoignage percutant passe parfois la barrière de l'omerta et nous informe de la réalité au sujet de ces médications. Dans la section actualité du Journal de Montréal du 5 juin dernier, le journaliste Étienne Paré nous parle du cas de Sébastien Fraser, un Montréalais de 28 ans qui a dû se soumettre à cinq sevrages afin de se sevrer de ses antidépresseurs. De peine et de misère, il y arrivera finalement au bout de son 5è sevrage qui durera une bonne année. L'article est accessible ici. (voir). Ce que l'expérience de Sébastien nous démontre, c'est que, bien qu'ayant possiblement été aidé par sa médication, celle-ci lui a finalement causé des préjudices en prolongeant sa problématique. Lors d'un tel sevrage, la personne confronté à ses effets, croit à tort qu'elle revient à l'état initial qui l'avait amenée vers ces médications ou sinon pire. Ce faisant, elle revient rapidement à son usage et cherche même à faire augmenter ses doses, s'engageant ainsi dans un cercle vicieux, puisque le sevrage sera d'autant plus laborieux.


Mes compétences dans le domaine médical étant limitées, je me contenterai de parler de ce que je connais au sujet de la dépression et de l'anxiété, deux conditions qui conduisent de plus en plus de gens vers les antidépresseurs.


L'anxiété est fondamentalement de la peur. Elle est, dans mon expérience, le résultat d'une distance qui s'est établie avec moi-même, comme une rupture. J'appelle ça avoir le cordon ombilical branché par en dehors. Centré sur l'égo et sur l'extérieur, la personne anxieuse vit dans la peur d'un avenir inquiétant plus ou moins imaginaire. L'égo, cette dimension de nous qui est constitué de ce que l'on croit qu'on devrait être, nous amène souvent aux antipodes de ce que nous sommes vraiment. Il nous inspire des choix qui peuvent être très loins de nos véritables besoins.


Pour ce qui est de la dépression, j'appelle ça "fermé pour inventaire". Au fond de moi, quelque chose se refuse catégoriquement à continuer à vivre de la même manière. Mes perceptions, mes croyances, mes valeurs sont remises en question et un changement en profondeur s'amorce. Cette crise de croissance est souffrante parce que je perds mes points de repères. Ce qui était vrai pour moi hier, ne l'est plus aujourd'hui. C'est une quête de moi-même qui peut être plus ou moins longue et qui entraîne une transformation.


Ceci étant dit, une médication peut-elle vraiment m'aider à vivre ces transitions? Passer de la peur à la confiance prend du temps. Évoluer aussi. Le problème est que, dans notre société axée sur la performance et la productivité, la souffrance n'a plus sa place. Elle accompagne toutefois toute transformation réelle de nous-mêmes. S'en priver revient peut-être à jeter le bébé avec l'eau sale. J'entends bien sûr les apôtres des psychotropes clamer l'importance de médicamenter un trouble d'anxiété ou une dépression. C'est à chacun de déterminer pour soi ce qui lui convient. Pour ma part, la méthode Vittoz, mon cheminement spirituel et une bonne dose de vitamine D (voir) me procurent les ressources dont j'ai besoin.


Une question me revient en terminant: "Aurais-je été en mesure de vous partager tout ça si je m'étais privé de la souffrance de la dépression et de l'anxiété en gommant le tout avec une médication"? Aujourd'hui, la paix que j'ai obtenue en acceptant de vivre ces épisodes douloureux est un gain qui m'apparaît insurpassable.


Pierre Eugène Rioux, psychosociologue, spécialisé en gestion du rétablissement des dépendances.


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